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Pierre-Auguste Renoir (1841-1919) Jeune fille appuyée sur sa main
作品估价:EUR 2,200,000 - 3,200,000
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图录号:
108
拍品名称:
Pierre-Auguste Renoir (1841-1919) Jeune fille appuyée sur sa main
拍品描述:
Pierre-Auguste Renoir (1841-1919)
Jeune fille appuyée sur sa main
signé ‘Renoir’ (en bas à droite)
huile sur toile
46.6 x 42 cm.
Peint en 1894
signed 'Renoir' (lower right)
oil on canvas
18 ¼ x 16 ½ in.
Painted in 1894
Galerie Durand-Ruel, Paris (acquis auprès de l’artiste le 9 décembre 1895).
Galerie Durand-Ruel, New York (en 1920).
Julius Pollak & Sons, Inc., New York (acquis auprès de celle-ci le 9 janvier 1946).
Fred Pollak, New York (par descendance).
Wildenstein & Co, New York (acquis auprès de celui-ci en 1950).
Stavros S. Niarchos, Paris (acquis auprès de celle-ci en janvier 1952); vente, Sotheby & Co., Londres, 28 juin 1972, lot 18.
M. Woltz (acquis au cours de cette vente).
Daniel Niel Heller, Miami Beach, Floride (œuvre volée à celui-ci en décembre 1980 puis retournée à celui-ci).
Galerie Taménaga, Paris (en 1990).
Collection particulière, Japon.
Halcyon Gallery, Londres.
Collection particulière, Europe (acquis auprès de celle-ci en septembre 2009).
Acquis par le propriétaire actuel en avril 2015.
The Burlington Magazine, New York, juin 1972 (illustré en couleurs, pl. VIII).
G.-P. et M. Dauberville, Renoir, Catalogue raisonné des tableaux, pastels, dessins et aquarelles, 1882-1894, Paris, 2009, vol. II, p. 302, no. 1166 (illustré).
Paris, Galerie Durand-Ruel, Tableaux par Monet, C. Pissarro, Renoir et Sisley, juin 1910, p. 4, no. 18.
(probablement) Genève, Galerie Moos, Exposition d'art français, décembre 1918, p. 16, no. 252 (titré 'Femme appuyée').
New York, Knoedler & Co.; Ottawa, National Gallery of Canada; Boston, Museum of Fine Art et Londres, Tate Gallery, The Niarchos Collection, décembre 1957-juin 1958, p. 11, no. 44 (illustré, pl. 37).
Londres, Tate Gallery, The Niarchos Collection, An Exhibition of Paintings and Sculpture, mai-juin 1958, p. 11, no. 44 (illustré, fig. 37; titré 'Girl Resting Head on her Hand').
Zurich, Kunsthaus Zürich, Sammlung S. Niarchos, janvier-mars 1959, p. 14, no. 22 (illustré, pl. 18; titré 'Mädchen, seinen Kopf auf die Hand stützen').
Cette œuvre sera incluse au catalogue raisonné en ligne de l'œuvre de Pierre-Auguste Renoir actuellement en préparation par le Wildenstein Plattner Institute.
Jeune fille appuyée sur sa main est l’une de ces images emblématiques de Renoir représentant en gros plan une jeune femme isolée, saisie de profil à son insu. C’est aussi l’une de ses œuvres les plus raffinées des années 1890. Cette peinture doit être comprise comme une réinterprétation brillante des chefs-d’œuvre impressionnistes que Renoir avait réalisés auparavant dans les années 1870, lorsqu’il inventait un nouveau type de peinture de personnages aux côtés de ses confrère, Édouard Manet et Edgar Degas. Tous trois brouillaient les distinctions conventionnelles entre portrait et scène de genre, immortalisant les visages et lieux familiers du Paris moderne. Bien que cette peinture présente de fortes similitudes conceptuelles et chromatiques avec les œuvres des années 1890 de, entre autres, Degas et Toulouse-Lautrec, Jeune fille appuyée sur sa main marque une évolution qui dépasse les premiers principes impressionnistes (qui privilégiaient les apparences extérieures et visibles) pour s’inscrire dans l’esprit symboliste de la fin du XIXe siècle, où l’essentiel réside dans les états d’âme subjectifs et intimes, évoquant les allusions invisibles d’un parfum ou d’une mélodie. Le traitement du modèle par Renoir pourrait ici être comparé à la célèbre phrase du roman Les Ambassadeurs de Henry James (1903), où l'auteur décrit le visage d’une femme comme « une lettre ouverte dans une langue étrangère ». De dimension modeste, Jeune fille appuyée sur sa main témoigne d’une virtuosité rare dans l’art de figer un instant en une vision intemporelle.
Dès les années 1860, Renoir peignait déjà des jeunes femmes perdues dans leurs pensées, mais ses tableaux de jeunesse représentaient des figures en pied, ou au moins en buste, dans des lieux reconnaissables, qu’il s’agisse d’une forêt, d’un parc ou d’un intérieur moderne. Jeune fille appuyée sur sa main, en revanche, renonce à toute convention d’expression, de geste et de décor, éliminant tout détail superflu, de sorte que le sujet n’est plus de savoir qui est cette femme, où elle se trouve, ou même ce qu’elle fait, mais plutôt de susciter l’interrogation sur ses pensées profondes. Au-delà du rendu exquis des textures les plus douces (soie, chevelure, peau juvénile), évoquant des subtilités tactiles dépassant même les sculptures les plus virtuoses, l’élément le plus impressionnant de Jeune fille appuyée sur sa main est son raffinement discret. Avec une sorte d’absence de geste, la main ne sert qu’à dissimuler l’expression du visage. Comme pour les œuvres de Degas, qui n’étaient jamais destinées à être exposées publiquement, ce petit chef-d’œuvre de Renoir semble de toute évidence avoir été avant tout destiné au regard d’un cercle restreint d’amateurs éclairés.
Comme beaucoup de ses tableaux les plus célèbres, cette œuvre de Renoir n’est pas à proprement parler un portrait, mais plutôt une scène de genre poussée à l’extrême, où le modèle n’a pas d’identité picturale significative. Elle se fait plutôt l’incarnation d’un archétype : l’ingénue ou le sphinx. Dans ce cas précis, le modèle pourrait bien être Yvonne, mentionnée par la jeune peintre Jeanne Baudot dans son ouvrage Renoir, ses amis, ses modèles (Paris, 1949, p. 67-68). Baudot raconte avoir rencontré Yvonne à l’époque où Renoir peignait un double portrait des filles aînées du peintre Henry Lerolle (1848-1929), dont la collection comprenait plusieurs œuvres de Degas (dont certaines se devinent en arrière-plan du double portrait de Renoir). Yvonne aurait ensuite posé non seulement pour Baudot, mais aussi pour Renoir et Degas. Toujours selon Baudot, Renoir faisait confectionner les tenues de ses modèles par Marie Callot, qui ajoutait souvent des drapés souples, semblables à des écharpes, autour des épaules. Baudot reproduit d’ailleurs dans son livre un portrait d’Yvonne (p. 62), où elle porte une tenue très similaire à celle représentée dans Jeune fille appuyée sur sa main.
La tenue du modèle mérite une attention particulière car, au delà de la restitution brillante par Renoir des textures du tissu, le bras droit disparaît dans les drapés. De même, le bras gauche n’est que vaguement suggéré, de sorte que l’artiste réduit son sujet à la tête du modèle et à une seule main. Ce défi – réaliser une représentation envoutante avec des moyens aussi réduits – semble avoir été partagé par ses plus proches collègues. Dès les années 1870, Renoir avait réalisé plusieurs figures condensées, où des femmes étaient montrées de dos ou de profil, esquissant des gestes délicats (comme tenir une fleur). En parallèle, Degas cherchait lui aussi à créer des images saisissantes en réduisant au minimum les détails picturaux. Ces œuvres sont, par essence, des fragments : des parties isolées, choisies pour leur capacité à représenter l’ensemble.
Au-delà de l’atmosphère palpable de rêverie, tout dans Jeune fille appuyée sur sa main est morcelé et énigmatique: la zone fluide en bleu et blanc dans le coin supérieur droit pourrait évoquer un paysage ; mais l’objet rose, aux plis et aux bords anguleux, pourrait aussi bien être un vêtement plié, des coussins ou un journal ouvert. La zone en bas à droite, plus sombre et marquée d’ombres en creux, pourrait représenter un tissu d’ameublement capitonné. Pourtant, tous ces détails importent peu face à la tête du modèle. Sa chevelure flamboyante donne le ton d’une riche orchestration de nuances en harmonie avec les accessoires aux reflets roses et saumon, dont la valeur chromatique l’emporte sur toute fonction anecdotique. L’émeraude du col du sous-vêtement vient ponctuer cette palette de teintes chaudes d’un accent complémentaire bref mais saisissant. Des éclats dorés parcourent la chevelure et le costume, animant la scène comme le ferait une brise légère. Ces harmonies de tons et demi-tons rappellent précisément les riches harmonies chromatiques des pastels de Degas représentant baigneuses et danseuses dans les années 1890, où les arrière-plans se dissolvent en fragments délicatement abstraits faits de couleurs exquises. Jeune femme reposant sa tête sur sa main semble ainsi avoir été conçu pour dialoguer avec les œuvres les plus récentes de Degas, son collègue de longue date. Mais au-delà de cette relation entre les deux peintres, il est essentiel de souligner à quel point le traitement audacieux de l’arrière-plan distingue cette œuvre des nombreux portraits plus conventionnels de Renoir, où de jeunes femmes sont représentées en profil avec des décors et accessoires neutres ou familiers. Ici, seule mais sans faire face au peintre comme dans un portrait traditionnel, la jeune femme semble être le morceau d’un récit invisible et plus vaste, car le regard du spectateur est entièrement concentré sur elle, excluant tout le reste.
On peut légitimement rapprocher Jeune fille appuyée sur sa main des détails issus de compositions de genre plus élaborées par Renoir. Dans ce contexte, des œuvres rares comme celle-ci constituent un élément clé préfigurant les scènes de foules les plus célèbres de Renoir telles que Place Clichy (vers 1880, prêté au Fitzwilliam Museum, Cambridge) ou Le Déjeuner des canotiers (1880-81, The Phillips Collection, Washington, D.C.).
Détachée des interactions sociales, la figure solitaire de Jeune fille appuyée sur sa main incarne le pouvoir hypnotique de la beauté, capable de capturer l’attention du spectateur, tandis que le sujet reste indifférent ou inconscient de ce regard. Bien que l’isolement du modèle puisse donner à cette composition un caractère moins ambitieux que les scènes de groupe de Renoir, son intensité condensée insuffle à cette œuvre une charge émotionnelle abstraite qui égale, voire dépasse, celle de ses peintures les plus grandioses.
Jeune fille appuyée sur sa main is one of Renoir’s hallmark close-up images of an isolated young woman in profile observed unawares, and is among the most sophisticated paintings of the 1890s. Before all else the painting should be understood as a brilliant reprise of classic Impressionist works Renoir had painted earlier in the 1870s, when he invented a new kind of figure painting in tandem with his remarkable colleagues, Manet and Degas, all of them blurring conventional distinctions between the categories of portrait and genre as they recorded the familiar faces and places of modern Paris. Although the painting maintains close parallels in concept and color orchestration with 1890s works by, among others, Degas and Toulouse-Lautrec, Renoir’s Jeune fille appuyée sur sa main represents an evolution beyond early Impressionism (with its emphasis on visible external appearances) to the late nineteenth century’s symbolist spirit which was concerned primarily with subjective internal states; intimate moods suggestive of the invisible innuendoes of perfume or music. Renoir’s treatment of the model here could be compared to the famous phrase in Henry James’s 1903 novel, The Ambassadors, when he describes a woman’s face as “an open letter in a foreign tongue.” Private in scale, Jeune fille appuyée sur sa main is a virtuoso revelation of the arrested glance.
While already in the 1860s Renoir painted beautiful young women lost in reverie, his youthful pictures include full-length, or at least half-length figures, in familiar settings, whether a forest, a park or some modern interior. In Jeune fille appuyée sur sa main however, Renoir dispenses with all conventions of expression, gesture and setting, eliminating everything inessential with the result that his subject is no longer “who” or “where” the woman is, or what she is doing, but curiosity about what such a beautiful creature might have on her mind. Aside from the exquisite rendition of the softest textures (silk, hair, youthful skin), evoking tactile subtleties foreign to even the most virtuoso sculpture, the most impressive aspect of Jeune fille appuyée sur sa main is its subdued understatement. With something like an anti-gesture, the hand only serves to hide the expression of the face. As was the case with Degas’ works, which were never intended for public exhibition, Renoir’s little masterpiece was evidently made for the delectation of connoisseurs.
Like many of his most famous paintings, this Renoir work is not a portrait per se, but an extreme sort of genre painting, showing the figure of a posing model, whose identity has no special pictorial significance. Instead she plays a stereotypical ingénue or sphinx. In this particular case, the model is very possibly the woman named Yvonne who is described by Renoir's young painter friend, Jeanne Baudot' book, Renoir, ses amis, ses modèles, (Paris, 1949, p. 67-68),. Baudot recalls meeting Yvonne around the time that Renoir was painting a double portrait of the elder daughters of the painter Henri Lerolle, whose collection included several works by Degas (partial images of which Renoir incorporated into the background of the double portrait.) The model Yvonne subsequently posed not only for Baudot, but for Renoir and Degas. According to Baudot, Renoir had the outfits for his models made by Marie Callot, who often added loose scarf-like swags of cloth around the shoulders. In her book Baudot reproduces a portrait of Yvonne on page 62, wearing an outfit rather similar to that depicted in Jeune fille appuyée sur sa main.
The model’s outfit deserves consideration because, Renoir's deft rendition of the fabrics notwithstanding, the model’s upper right arm is lost in these draperies. Indeed, the model's left arm is only vaguely suggested, with the result that Renoir’s subject is limited to the model’s head and a single hand. The challenge to make a penetrating portrayal with such limited means was evidently shared by Renoir’s closest colleagues. Already in the 1870s, when Renoir made several remarkably condensed figure paintings showing women from behind or in profile with the most delicate gestures (for example, holding flowers) his fellow Impressionist Degas likewise sought to make compelling images with the least amount of pictorial detail. These works are fundamentally fragments, parts singled out for the capacity to stand in essence for the whole.
The palpable mood of reverie aside, everything in Renoir’s Jeune fille appuyée sur sa main is fragmentary and difficult to identify: the fluidly brushed blue and white area at upper right might suggest a landscape setting; but the pink object with folds and angled straight edges could be a folded garment, some pillows, or even an open newspaper. The area to the lower right, darker in tone, has dimple-like shadows and may represent upholstered drapery. But such fragmentary details have little significance compared to the model’s head. Her glorious hair sets the tone for a rich orchestration of related tones, in harmony with the pinkish and salmon-toned accessories, whose role as colors is more essential for the composition than any roles they could have as props. The emerald green neck of the undergarment provides a concise yet striking complementary accent to all these reddish tones. And golden highlights flicker throughout the young woman's hair and her costume, animating the image like a rustling breeze. These orchestrated tones and half tones are precisely comparable to the rich harmonies of Degas’s pastels of bathers and dancers made in the mid-1890s, the backgrounds comprised of near abstract bits of exquisite colors. Jeune fille appuyée sur sa main appears to have been made in dialogue with the recent works of his longtime colleague, Degas. The interrelationship between Degas and Renoir aside, it seems worth stressing how Renoir's richly experimental treatment of the background in this painting sets it apart from his many more conventional images of beautiful young women in profile with familiar or neutral settings and props. Alone, yet not facing the painter (as she would in a conventional portrait) the model seems to be a fragment of some larger narrative, invisible because the spectator is so focused on her to the exclusion of everything else.
It is fair to compare Jeune fille appuyée sur sa main with details from Renoir’s more complex genre paintings. In this context, rare works like Jeune fille appuyée sur sa main amount to the atom unit for Renoir’s most famous images of crowds, such as Place Clichy, circa 1880 (on loan to the Fitzwilliam Museum, Cambridge), or Le Déjeuner des canotiers, 1880-81 (today in The Phillips Collection, Washington, D.C.).
Removed from the flow of social interactions, the isolated figure in Jeune fille appuyée sur sa main functions as a symbol for the power of beauty to divert a spectator's attention from all else, mesmerizing the viewer while the subject remains oblivious or uncaring to his gaze. The isolation of the figure in this painting might seem to make this particular composition less ambitious than some of Renoir's group pictures, however the intense concentration charges this work with abstract emotional overtones unsurpassed in his grandest paintings.
Jeune fille appuyée sur sa main
signé ‘Renoir’ (en bas à droite)
huile sur toile
46.6 x 42 cm.
Peint en 1894
signed 'Renoir' (lower right)
oil on canvas
18 ¼ x 16 ½ in.
Painted in 1894
Galerie Durand-Ruel, Paris (acquis auprès de l’artiste le 9 décembre 1895).
Galerie Durand-Ruel, New York (en 1920).
Julius Pollak & Sons, Inc., New York (acquis auprès de celle-ci le 9 janvier 1946).
Fred Pollak, New York (par descendance).
Wildenstein & Co, New York (acquis auprès de celui-ci en 1950).
Stavros S. Niarchos, Paris (acquis auprès de celle-ci en janvier 1952); vente, Sotheby & Co., Londres, 28 juin 1972, lot 18.
M. Woltz (acquis au cours de cette vente).
Daniel Niel Heller, Miami Beach, Floride (œuvre volée à celui-ci en décembre 1980 puis retournée à celui-ci).
Galerie Taménaga, Paris (en 1990).
Collection particulière, Japon.
Halcyon Gallery, Londres.
Collection particulière, Europe (acquis auprès de celle-ci en septembre 2009).
Acquis par le propriétaire actuel en avril 2015.
The Burlington Magazine, New York, juin 1972 (illustré en couleurs, pl. VIII).
G.-P. et M. Dauberville, Renoir, Catalogue raisonné des tableaux, pastels, dessins et aquarelles, 1882-1894, Paris, 2009, vol. II, p. 302, no. 1166 (illustré).
Paris, Galerie Durand-Ruel, Tableaux par Monet, C. Pissarro, Renoir et Sisley, juin 1910, p. 4, no. 18.
(probablement) Genève, Galerie Moos, Exposition d'art français, décembre 1918, p. 16, no. 252 (titré 'Femme appuyée').
New York, Knoedler & Co.; Ottawa, National Gallery of Canada; Boston, Museum of Fine Art et Londres, Tate Gallery, The Niarchos Collection, décembre 1957-juin 1958, p. 11, no. 44 (illustré, pl. 37).
Londres, Tate Gallery, The Niarchos Collection, An Exhibition of Paintings and Sculpture, mai-juin 1958, p. 11, no. 44 (illustré, fig. 37; titré 'Girl Resting Head on her Hand').
Zurich, Kunsthaus Zürich, Sammlung S. Niarchos, janvier-mars 1959, p. 14, no. 22 (illustré, pl. 18; titré 'Mädchen, seinen Kopf auf die Hand stützen').
Cette œuvre sera incluse au catalogue raisonné en ligne de l'œuvre de Pierre-Auguste Renoir actuellement en préparation par le Wildenstein Plattner Institute.
Jeune fille appuyée sur sa main est l’une de ces images emblématiques de Renoir représentant en gros plan une jeune femme isolée, saisie de profil à son insu. C’est aussi l’une de ses œuvres les plus raffinées des années 1890. Cette peinture doit être comprise comme une réinterprétation brillante des chefs-d’œuvre impressionnistes que Renoir avait réalisés auparavant dans les années 1870, lorsqu’il inventait un nouveau type de peinture de personnages aux côtés de ses confrère, Édouard Manet et Edgar Degas. Tous trois brouillaient les distinctions conventionnelles entre portrait et scène de genre, immortalisant les visages et lieux familiers du Paris moderne. Bien que cette peinture présente de fortes similitudes conceptuelles et chromatiques avec les œuvres des années 1890 de, entre autres, Degas et Toulouse-Lautrec, Jeune fille appuyée sur sa main marque une évolution qui dépasse les premiers principes impressionnistes (qui privilégiaient les apparences extérieures et visibles) pour s’inscrire dans l’esprit symboliste de la fin du XIXe siècle, où l’essentiel réside dans les états d’âme subjectifs et intimes, évoquant les allusions invisibles d’un parfum ou d’une mélodie. Le traitement du modèle par Renoir pourrait ici être comparé à la célèbre phrase du roman Les Ambassadeurs de Henry James (1903), où l'auteur décrit le visage d’une femme comme « une lettre ouverte dans une langue étrangère ». De dimension modeste, Jeune fille appuyée sur sa main témoigne d’une virtuosité rare dans l’art de figer un instant en une vision intemporelle.
Dès les années 1860, Renoir peignait déjà des jeunes femmes perdues dans leurs pensées, mais ses tableaux de jeunesse représentaient des figures en pied, ou au moins en buste, dans des lieux reconnaissables, qu’il s’agisse d’une forêt, d’un parc ou d’un intérieur moderne. Jeune fille appuyée sur sa main, en revanche, renonce à toute convention d’expression, de geste et de décor, éliminant tout détail superflu, de sorte que le sujet n’est plus de savoir qui est cette femme, où elle se trouve, ou même ce qu’elle fait, mais plutôt de susciter l’interrogation sur ses pensées profondes. Au-delà du rendu exquis des textures les plus douces (soie, chevelure, peau juvénile), évoquant des subtilités tactiles dépassant même les sculptures les plus virtuoses, l’élément le plus impressionnant de Jeune fille appuyée sur sa main est son raffinement discret. Avec une sorte d’absence de geste, la main ne sert qu’à dissimuler l’expression du visage. Comme pour les œuvres de Degas, qui n’étaient jamais destinées à être exposées publiquement, ce petit chef-d’œuvre de Renoir semble de toute évidence avoir été avant tout destiné au regard d’un cercle restreint d’amateurs éclairés.
Comme beaucoup de ses tableaux les plus célèbres, cette œuvre de Renoir n’est pas à proprement parler un portrait, mais plutôt une scène de genre poussée à l’extrême, où le modèle n’a pas d’identité picturale significative. Elle se fait plutôt l’incarnation d’un archétype : l’ingénue ou le sphinx. Dans ce cas précis, le modèle pourrait bien être Yvonne, mentionnée par la jeune peintre Jeanne Baudot dans son ouvrage Renoir, ses amis, ses modèles (Paris, 1949, p. 67-68). Baudot raconte avoir rencontré Yvonne à l’époque où Renoir peignait un double portrait des filles aînées du peintre Henry Lerolle (1848-1929), dont la collection comprenait plusieurs œuvres de Degas (dont certaines se devinent en arrière-plan du double portrait de Renoir). Yvonne aurait ensuite posé non seulement pour Baudot, mais aussi pour Renoir et Degas. Toujours selon Baudot, Renoir faisait confectionner les tenues de ses modèles par Marie Callot, qui ajoutait souvent des drapés souples, semblables à des écharpes, autour des épaules. Baudot reproduit d’ailleurs dans son livre un portrait d’Yvonne (p. 62), où elle porte une tenue très similaire à celle représentée dans Jeune fille appuyée sur sa main.
La tenue du modèle mérite une attention particulière car, au delà de la restitution brillante par Renoir des textures du tissu, le bras droit disparaît dans les drapés. De même, le bras gauche n’est que vaguement suggéré, de sorte que l’artiste réduit son sujet à la tête du modèle et à une seule main. Ce défi – réaliser une représentation envoutante avec des moyens aussi réduits – semble avoir été partagé par ses plus proches collègues. Dès les années 1870, Renoir avait réalisé plusieurs figures condensées, où des femmes étaient montrées de dos ou de profil, esquissant des gestes délicats (comme tenir une fleur). En parallèle, Degas cherchait lui aussi à créer des images saisissantes en réduisant au minimum les détails picturaux. Ces œuvres sont, par essence, des fragments : des parties isolées, choisies pour leur capacité à représenter l’ensemble.
Au-delà de l’atmosphère palpable de rêverie, tout dans Jeune fille appuyée sur sa main est morcelé et énigmatique: la zone fluide en bleu et blanc dans le coin supérieur droit pourrait évoquer un paysage ; mais l’objet rose, aux plis et aux bords anguleux, pourrait aussi bien être un vêtement plié, des coussins ou un journal ouvert. La zone en bas à droite, plus sombre et marquée d’ombres en creux, pourrait représenter un tissu d’ameublement capitonné. Pourtant, tous ces détails importent peu face à la tête du modèle. Sa chevelure flamboyante donne le ton d’une riche orchestration de nuances en harmonie avec les accessoires aux reflets roses et saumon, dont la valeur chromatique l’emporte sur toute fonction anecdotique. L’émeraude du col du sous-vêtement vient ponctuer cette palette de teintes chaudes d’un accent complémentaire bref mais saisissant. Des éclats dorés parcourent la chevelure et le costume, animant la scène comme le ferait une brise légère. Ces harmonies de tons et demi-tons rappellent précisément les riches harmonies chromatiques des pastels de Degas représentant baigneuses et danseuses dans les années 1890, où les arrière-plans se dissolvent en fragments délicatement abstraits faits de couleurs exquises. Jeune femme reposant sa tête sur sa main semble ainsi avoir été conçu pour dialoguer avec les œuvres les plus récentes de Degas, son collègue de longue date. Mais au-delà de cette relation entre les deux peintres, il est essentiel de souligner à quel point le traitement audacieux de l’arrière-plan distingue cette œuvre des nombreux portraits plus conventionnels de Renoir, où de jeunes femmes sont représentées en profil avec des décors et accessoires neutres ou familiers. Ici, seule mais sans faire face au peintre comme dans un portrait traditionnel, la jeune femme semble être le morceau d’un récit invisible et plus vaste, car le regard du spectateur est entièrement concentré sur elle, excluant tout le reste.
On peut légitimement rapprocher Jeune fille appuyée sur sa main des détails issus de compositions de genre plus élaborées par Renoir. Dans ce contexte, des œuvres rares comme celle-ci constituent un élément clé préfigurant les scènes de foules les plus célèbres de Renoir telles que Place Clichy (vers 1880, prêté au Fitzwilliam Museum, Cambridge) ou Le Déjeuner des canotiers (1880-81, The Phillips Collection, Washington, D.C.).
Détachée des interactions sociales, la figure solitaire de Jeune fille appuyée sur sa main incarne le pouvoir hypnotique de la beauté, capable de capturer l’attention du spectateur, tandis que le sujet reste indifférent ou inconscient de ce regard. Bien que l’isolement du modèle puisse donner à cette composition un caractère moins ambitieux que les scènes de groupe de Renoir, son intensité condensée insuffle à cette œuvre une charge émotionnelle abstraite qui égale, voire dépasse, celle de ses peintures les plus grandioses.
Jeune fille appuyée sur sa main is one of Renoir’s hallmark close-up images of an isolated young woman in profile observed unawares, and is among the most sophisticated paintings of the 1890s. Before all else the painting should be understood as a brilliant reprise of classic Impressionist works Renoir had painted earlier in the 1870s, when he invented a new kind of figure painting in tandem with his remarkable colleagues, Manet and Degas, all of them blurring conventional distinctions between the categories of portrait and genre as they recorded the familiar faces and places of modern Paris. Although the painting maintains close parallels in concept and color orchestration with 1890s works by, among others, Degas and Toulouse-Lautrec, Renoir’s Jeune fille appuyée sur sa main represents an evolution beyond early Impressionism (with its emphasis on visible external appearances) to the late nineteenth century’s symbolist spirit which was concerned primarily with subjective internal states; intimate moods suggestive of the invisible innuendoes of perfume or music. Renoir’s treatment of the model here could be compared to the famous phrase in Henry James’s 1903 novel, The Ambassadors, when he describes a woman’s face as “an open letter in a foreign tongue.” Private in scale, Jeune fille appuyée sur sa main is a virtuoso revelation of the arrested glance.
While already in the 1860s Renoir painted beautiful young women lost in reverie, his youthful pictures include full-length, or at least half-length figures, in familiar settings, whether a forest, a park or some modern interior. In Jeune fille appuyée sur sa main however, Renoir dispenses with all conventions of expression, gesture and setting, eliminating everything inessential with the result that his subject is no longer “who” or “where” the woman is, or what she is doing, but curiosity about what such a beautiful creature might have on her mind. Aside from the exquisite rendition of the softest textures (silk, hair, youthful skin), evoking tactile subtleties foreign to even the most virtuoso sculpture, the most impressive aspect of Jeune fille appuyée sur sa main is its subdued understatement. With something like an anti-gesture, the hand only serves to hide the expression of the face. As was the case with Degas’ works, which were never intended for public exhibition, Renoir’s little masterpiece was evidently made for the delectation of connoisseurs.
Like many of his most famous paintings, this Renoir work is not a portrait per se, but an extreme sort of genre painting, showing the figure of a posing model, whose identity has no special pictorial significance. Instead she plays a stereotypical ingénue or sphinx. In this particular case, the model is very possibly the woman named Yvonne who is described by Renoir's young painter friend, Jeanne Baudot' book, Renoir, ses amis, ses modèles, (Paris, 1949, p. 67-68),. Baudot recalls meeting Yvonne around the time that Renoir was painting a double portrait of the elder daughters of the painter Henri Lerolle, whose collection included several works by Degas (partial images of which Renoir incorporated into the background of the double portrait.) The model Yvonne subsequently posed not only for Baudot, but for Renoir and Degas. According to Baudot, Renoir had the outfits for his models made by Marie Callot, who often added loose scarf-like swags of cloth around the shoulders. In her book Baudot reproduces a portrait of Yvonne on page 62, wearing an outfit rather similar to that depicted in Jeune fille appuyée sur sa main.
The model’s outfit deserves consideration because, Renoir's deft rendition of the fabrics notwithstanding, the model’s upper right arm is lost in these draperies. Indeed, the model's left arm is only vaguely suggested, with the result that Renoir’s subject is limited to the model’s head and a single hand. The challenge to make a penetrating portrayal with such limited means was evidently shared by Renoir’s closest colleagues. Already in the 1870s, when Renoir made several remarkably condensed figure paintings showing women from behind or in profile with the most delicate gestures (for example, holding flowers) his fellow Impressionist Degas likewise sought to make compelling images with the least amount of pictorial detail. These works are fundamentally fragments, parts singled out for the capacity to stand in essence for the whole.
The palpable mood of reverie aside, everything in Renoir’s Jeune fille appuyée sur sa main is fragmentary and difficult to identify: the fluidly brushed blue and white area at upper right might suggest a landscape setting; but the pink object with folds and angled straight edges could be a folded garment, some pillows, or even an open newspaper. The area to the lower right, darker in tone, has dimple-like shadows and may represent upholstered drapery. But such fragmentary details have little significance compared to the model’s head. Her glorious hair sets the tone for a rich orchestration of related tones, in harmony with the pinkish and salmon-toned accessories, whose role as colors is more essential for the composition than any roles they could have as props. The emerald green neck of the undergarment provides a concise yet striking complementary accent to all these reddish tones. And golden highlights flicker throughout the young woman's hair and her costume, animating the image like a rustling breeze. These orchestrated tones and half tones are precisely comparable to the rich harmonies of Degas’s pastels of bathers and dancers made in the mid-1890s, the backgrounds comprised of near abstract bits of exquisite colors. Jeune fille appuyée sur sa main appears to have been made in dialogue with the recent works of his longtime colleague, Degas. The interrelationship between Degas and Renoir aside, it seems worth stressing how Renoir's richly experimental treatment of the background in this painting sets it apart from his many more conventional images of beautiful young women in profile with familiar or neutral settings and props. Alone, yet not facing the painter (as she would in a conventional portrait) the model seems to be a fragment of some larger narrative, invisible because the spectator is so focused on her to the exclusion of everything else.
It is fair to compare Jeune fille appuyée sur sa main with details from Renoir’s more complex genre paintings. In this context, rare works like Jeune fille appuyée sur sa main amount to the atom unit for Renoir’s most famous images of crowds, such as Place Clichy, circa 1880 (on loan to the Fitzwilliam Museum, Cambridge), or Le Déjeuner des canotiers, 1880-81 (today in The Phillips Collection, Washington, D.C.).
Removed from the flow of social interactions, the isolated figure in Jeune fille appuyée sur sa main functions as a symbol for the power of beauty to divert a spectator's attention from all else, mesmerizing the viewer while the subject remains oblivious or uncaring to his gaze. The isolation of the figure in this painting might seem to make this particular composition less ambitious than some of Renoir's group pictures, however the intense concentration charges this work with abstract emotional overtones unsurpassed in his grandest paintings.